
Déploiement du BHO Beautemps-Beaupré 2025 : Étape 2, campagne PHYSINDIEN2025
Mis à jour le 19/05/2025Au nord-ouest de l’océan Indien, la mer d’Arabie est alimentée par deux détroits stratégiques : Ormuz et Bab el Mandeb. Les mouvements océaniques dans cette région restent encore mal connus, en grande partie du fait des tensions géopolitiques qui limitent les campagnes scientifiques. Pourtant, cette zone est d’une importance majeure pour les populations côtières, largement dépendantes de la pêche.
La dynamique océanique est contrôlée par trois processus dominants :
- L’arrivée d’eaux très salées (environ 39 PSU) issues du golfe Persique via le détroit d’Ormuz,
- La présence régulière de tourbillons océaniques,
- Et un forçage atmosphérique saisonnier intense, lié aux vents de mousson qui s’inversent entre l’hiver et l’été. En été, les vents de sud-ouest entraînent l’apparition d’une remontée d’eau froide (upwelling) le long des côtes omanaises.
La campagne PHYSINDIEN2025 s’est concentrée sur l’impact des tourbillons océaniques* et des remontées d’eaux profondes** dans le golfe d’Oman et de l’ouest de la mer d’Arabie. Ces phénomènes naturels modifient à la fois les propriétés hydrologiques (température, salinité, courants, structure en couches) et biogéochimiques (oxygène, nutriments, carbone, matière organique) de l’océan.

L’interaction de ces processus entraîne la formation de lentilles d’eau salée appelées peddies, situées en profondeur (entre 250 et 400 m). Par ailleurs, l’écoulement d’eaux denses et oxygénées, appelé outflow depuis le golfe Persique, ventile les couches intermédiaires (~400 m), dans une région connue pour ses faibles teneurs en oxygène. Ce phénomène est crucial pour le développement du plancton, à la base de la chaîne alimentaire marine, et soutient ainsi les ressources halieutiques exploitées localement.

Cette mission a été menée en collaboration avec trois laboratoires français – le LOV, le LOCEAN et le LOPS – et avec la participation d’observateurs du service hydrographique omanais. Grâce aux capacités du BHO Beautemps-Beaupré, la Marine nationale et le Shom peuvent conduire des campagnes scientifiques ambitieuses dans cette zone sensible.
Dix flotteurs ARGO ont été déployés, dont cinq financés par des partenaires académiques dans le cadre d’un projet CNRS. Trois de ces flotteurs sont équipés, en plus des capteurs classiques — d’oxygène, de chlorophylle (mesurée par un fluorimètre) et de matière organique en suspension (détectée par un capteur de CDOM) — d’un capteur de nitrates. L’ensemble de ces mesures permet de mieux comprendre le lien entre l’état chimique de l’océan, c’est-à-dire l’oxygène et les nutriments indispensables à la vie marine, et son état biologique, représenté par la quantité de plancton.

En parallèle, tous les instruments embarqués à bord du BHO ont été mis en œuvre pour réaliser des mesures in situ – certaines inédites dans la région. Les mesures de turbulence, notamment, permettront d’améliorer les modèles numériques de circulation.
Ces données sont essentielles pour calibrer les modèles océanographiques utilisés par le Shom, afin de produire des prévisions fiables pour les forces armées. Elles serviront également aux scientifiques omanais, grâce à une collaboration avec l’université Sultan Qaboos à Mascate, pour mieux comprendre et gérer les stocks halieutiques.
*Un tourbillon océanique est une structure circulaire, de rayon compris entre 20 et 200 km, qui tourne rapidement autour de son centre. Sa vitesse de rotation est généralement bien plus élevée que sa vitesse de déplacement, ce qui a pour effet de piéger l’eau, le plancton et d’autres particules à l’intérieur de la structure.
** Une remontée d’eaux profondes, traduction française officielle de l’anglais upwelling, désigne un courant ascendant d’eau océanique froide provenant des profondeurs vers la surface. Ce phénomène est principalement provoqué par les alizés intertropicaux.